L'échec scolaire d'Estelle, un symptôme à l'école, révélateur d'une problématique fa
Estelle a 6 ans et demi quand ses parents se séparent. Dernière d'une fratrie de 3, la garde des enfants s'effectue chez sa mère. Avant la séparation, elle vit alors dans les conflits, les disputes, la tristesse. La séparation paraît inéluctable, voire préférable. Malgré la séparation, la situation familiale reste difficile : père absent, mère dépassée, la communication entre eux est difficile pour ne pas dire impossible.
La mère d'Estelle est enseignante. Son père : responsable de communication. Avec ce bagage culturel, est-ce envisageable d'avoir un enfant « mauvais élève » ? Les enseignants n'y croient pas. Les parents non plus d'ailleurs. Pourtant, Estelle cumule le retard, n'entre pas dans les apprentissages comme ses autres petits camarades. A un point tel qu'elle redouble déjà son CM1.
C'est à cette occasion que les parents d'Estelle décident de la changer d'école. Le système scolaire au sein duquel elle se trouve n'est put être pas adapté ? C'est la première réflexion exprimée, le première solution trouvée par les parents d'Estelle. Sa deuxième année de CM1 se passe très bien : nouvel établissement, nouveaux amis, cette année se déroule à merveille. Puis vient le CM2. Les difficultés réapparaissent, et les lacunes s'accumulent. Le passage en 6 ième s'effectue tout de même, bon gré mal gré. Ses années de collège sont catastrophiques. Ses résultats sont médiocres. Et c'est à n'y rien comprendre. Pourtant, elle continue son parcours scolaire. Passe d'une classe à une autre, cumulant les retards. Les enseignements ne sont pas acquis. Au fur et à mesure de son parcours, il faut faire le constat : Estelle est intelligente. Sans aucun doute. Pourtant, ses résultats l'empêchent d'avancer. Elle veut travailler dans le social, intégrer la brigade des mineurs, ou être avocate. Son désir est de se tourner vers l'autre. Aider, accompagner, soutenir, sauver ? La réorientation s'avère être la solution suivante, engagée en accord avec son père et sa mère. Là encore, le décalage entre ce que montre Estelle et le paysage intellectuel parental empêche la jeune fille de poursuivre son but. D'autres propositions sont engagées : Estelle passe alors un bilan psychométrique complet. Une journée entière chez la psychologue afin d'évaluer son niveau d'intelligence. C'est pas possible, on ne peut pas être intelligent et mauvais à l'école. Pourtant, le résultat est bien là. La mère d'Estelle appelle son ex-mari le soir pour l'informer du résultat : « notre fille est intelligente, elle n'a pas de problème !». Les ré-orientations continuent.... Toujours en accord entre ses deux parents, Estelle intègre une seconde « méthodologique » (classe spéciale pour récupérer tout le programme du collège). Une sorte de second redoublement. Classe stigmatisée par les autres élèves de l'établissement, ils sont appelés « les secondes triso ». Puis ré-orientation à nouveau : la filière comptabilité-gestion paraît pertinente. Si Estelle a des difficultés, elles se situent bien au niveau scientifique. Estelle lit, chante, écrit, fait du théâtre. La sphère littéraire est évidente, alors bien sûr, la compta et la gestion, très peu pour elle... Elle finira quand même son cursus en littéraire, et passera son bac 2 fois, qu'elle n'obtiendra jamais. Conclusion, Estelle sortira du cursus scolaire à 21 ans, sans aucun diplôme et avec derrière elle un chemin scolaire semé d'embûches.
Alors quoi ? Me direz vous. Comment comprendre l'attitude d'Estelle face à son statut d'élève?C'est plus tard qu'elle comprendra. Ses échecs à répétitions, l'inquiétude de ses parents face à la dérive de leur fille, la place que cela prend au quotidien, dans leurs relations... Tous ces indicateurs sont nécessaires à la compréhension de la situation : L'échec scolaire d'Estelle a comme bénéfice de réunir ses parents dans la communication. Ils sont alors ensemble. Dans l'échange, la réflexion, la décision. La communication parentale s'effectue alors sans heurts. Sans conflits. Et seulement à cette occasion. Le symptôme d'Estelle a alors une fonction positive et protectrice. Positive car elle est utile pour la relation entre ses parents, et protectrice car ainsi, ils se retrouvent et s'accordent entre eux.
L'école est un lieu où se révèle bon nombre de problématiques : échec, désinvestissement, difficulté d'intégration, décrochage, attitudes déviantes, difficultés de comportements... Et ce, dès la classe de maternelle ! Souvent, ces attitudes ne sont parfois que le symptôme d'une autre problématique méconnue par l'équipe pédagogique, mais révélateur d'un dysfonctionnement familial.
Les entretiens familiaux permettent à tous de regarder le problème différemment, de mobiliser les ressources de la famille. C'est l'occasion de ne pas inscrire l'enfant dans une stigmatisation type :« c'est lui le problème ». En effet, l'enfant porte le problème, mais ne lui appartient pas. L'objectif de l'entretien familial consiste à mettre tout cela en lumière, de dégager l'enfant de sa responsabilité, de sa mission, de modifier les relations, et ainsi, accompagner la famille dans ce travail tout en permettant à l'enfant de s'inscrire dans sa vie d'élève.